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    Eden souffla. L’entraînement était vraiment dur aujourd’hui. Joachim ne la ménageait pas ce soir-là. Elle avait déjà eu une longue journée, une journée d’examen au lycée, un entraînement intense à la patinoire. En rentrant, elle avait tout juste eu le temps de manger un morceau avant que Joachim ne vienne la chercher. Samiael s’entraînait de son côté, aujourd’hui pour lui c’était le maniement des lames : il avait utilisé les dagues avec Joachim avant qu’elle n’arrive et maintenant il s’entraînait au lancé de couteaux, dagues et autres objets contondants en tout genre. Le tout, les yeux bandés. Il avait retiré son t-shirt. Elle voyait sa concentration alors qu’il lançait les dagues en direction des cibles. Il n’en rata aucune. Il avait tellement gagné en assurance au cours de ces dernières années, et encore plus ces derniers mois. Cela se voyait de manière différente, parfois visible ; comme sa musculature qui s’était encore renforcée devenant noueuses et profondes parfois moins visible comme dans sa posture, il se fondait dans la masse, mais sans plus avoir cette peur qui l’habitait avant. Sa posture était voulue, elle n’existait plus pour la simple survie. L’entraînement avait été tout aussi intense pour Samiael, et il était loin d’être fini. Ni sa nuit, son frère avait prévu de l’emmener sur le terrain pour voir et tester ses capacités en situation réelle. Elle sentait la tension qui habitait Samiael, et pas seulement due à l’entrainement, mais aussi l’excitation qui l’habitait. Il était à la fois anxieux et impatient…

    - Eden ! Concentre-toi, la réprimanda Joachim.

    - Désolée, dit Eden son regard se reportant à nouveau sur son frère. Il fallait qu’elle se concentre. Elle ne savait pas pourquoi son frère avait renforcé son entrainement. Il la formait comme un chasseur-né, ce qui était étrange. Elle n’en était pas une.

    - Ta garde ! dit Joachim en la touchant aux côtes, la faisant reculer de plusieurs pas, Eden trop lente et déconcentrée n’arrivant pas à esquiver.

    Elle grogna avant de contre-attaquer. Jeu de bras, jambes, elle réussit après plusieurs minutes de luttes à prendre le dessus sur Joachim et le faire tomber. Elle l’immobilisa et poussa un cri de victoire qui s’étrangla bien vite dans sa gorge alors que son mentor la bloquait.

    - Tu es morte, dit Joachim.

    Un râlement de rage échappa à l’adolescente.

    - Par Merlin ! Joachim j’en ai marre ! explosa la jeune fille.

    - Je m’en fiche ! Tu as des responsabilités jeune fille ! Tu dois t’entrainer… il fut coupé.

    - Quelles responsabilités ? Pourquoi tu m’entraînes comme un chasseur-né ? Je suis une femme ! Les femmes ne sont pas des chasseurs nés ! Plus depuis que Merlin a fusionné !

    Samiael inquiet d’entendre son amie s’énerver ainsi s’arrêta, relevant le bandeau qui lui masquait les yeux. Il vient le violet dans les cheveux de son amie s’étendre. Il fit un pas, mais Joachim le stoppa net. C’est ce qu’il voulait. Il connaissait la fatigue de sa sœur, la journée qu’elle avait passé tout comme sa semaine en général. Cela faisait plusieurs semaines qu’il guettait le moment où il pourrait la pousser dans ses derniers retranchements, voir comment elle réagissait face à la pression. Et puis… elle avait des capacités qu’aucune femme n’avaient montrées depuis des siècles… voir jamais. Elle était unique, les codes de la magie ne fonctionnaient pas toujours avec elle, elle outre passait des lois sans avoir de représailles. Et cela l’impressionnait… autant que parfois cela l’effrayait et l’enthousiasmait.

    - Tu brises les codes Eden, tu dois être entraînée en conséquence. Notre famille a des responsabilités au sein du clan, tu en reprendras la tête lorsque maman ne le pourra plus. Tu dois être préparé à toute éventualité.

    - Et si je ne veux pas de ses responsabilités ? Personne ne m’a demandé mon avis ! Personne ne nous demande notre avis, je n’ai jamais demandé à naître femme ni à devoir reprendre le flambeau de maman !

    Eden serra les poings. Elle sentait l’Autre faire surface, sa fatigue, les nerfs, Elle en profitait pour prendre le contrôle. Et Joachim était la cible de sa colère, il était le danger, et le danger il fallait l’en protéger. Eden inspira à fond, s’adressant intérieurement à l’autre partie d’elle-même. Cette partie sombre qui l’habitait.

    - ça suffit, il ne nous veut pas de mal. Rendors-toi.

    - Il nous épuise, c’est dangereux.

    - Non, il m’entraine, rentres, tout va bien. Exigea Eden tout en étant rassurante, après plusieurs secondes, elle sentit le changement. L’énergie en elle changea, redevenant celle qui l’habitait habituellement. Elle rouvrit les yeux.

    - ça suffit, je suis trop fatiguée Joachim et je ne veux pas causer de catastrophes, dit-elle alors que son apparence était redevenue normale en quelques secondes, sous les yeux ébahis des deux hommes.

    - Comment tu as fait ça ? demanda Joachim. Il avait senti que quelque chose se passait, mais il n’avait pas réussi à comprendre quoi.

    - Je lui ai parlé, dit simplement Eden.

    - Quoi ?! s’écrièrent les deux hommes. Samiael se rapprocha à grands pas abandonnant son matériel au sol. Eden ne lui avait jamais dit qu’elle pouvait communiquer avec l’autre.

    - Je lui ai parlé, répété Eden, elle s’est calmée et remise en dormance c’est tout, dit-elle en croisant les bras sous sa poitrine.

    - Depuis quand peux-tu lui parler ? demanda Joachim.

    - Je ne sais pas, c’est seulement la deuxième fois que cela arrive.

    - C’était quand la première ?

    - Il y a cinq jours, dit la jeune femme en soupirant. Elle avait senti que l’Autre s’agitait et sous un coup de tête, s’était mentalement répété que tout allait bien, qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Une voix lui avait alors répondu un d’accord et son énergie était redevenue normale. Elle avait été surprise, mais jusqu’au soir avait attendu avant d’essayer d’entrer à nouveau en contact avec Elle. Sans succès.

    - Je n’étais même pas sûre que cela fonctionnerait, dit-elle avant d’expliquer.

    - Tu n’as pas jugé bon de nous en parler ? dit Joachim un peu estomaqué.

    - Non, quand j’ai retenté d’entrer en contact avec Elle cela n’a pas fonctionné. J’ai pensé avoir rêvé.

    Joachim se tut, pensif. Samiael quant à lui regardait Eden, comme il regrettait de ne pas la voir plus ! Ils auraient pu en discuter ! Ils ne s’étaient vus qu’une fois et avaient à peine pu échanger trois mots tant leur emploi du temps était chargé… Mais il était tout de même un peu vexé qu’elle ne lui ait pas envoyé de message.

    - L’entraînement est terminé. Samiael, je te retrouve dans une heure. Ne sois pas en retard, dit Joachim avant de sortir de la salle. Il fallait qu’il fasse des recherches.

    Samiael se retourna allant ramasser son matériel pour ranger.

    - Sam… dit Eden voyant que son ami était vexé. Attends…

    - Tu aurais pu m’envoyer un message, dit-il récupérant les couteaux de lancée.

    - Oui bien sûr, ça aurait été top comme message tiens : « hey salut, je crois que j’ai parlé à l’Autre, y’a une voix qui m’a répondu alors que je me parlais dans ma tête et essayait de garder le contrôle ». Ce n’est pas un truc dont je voulais parler comme ça, rétorqua-t-elle.

    Elle n’avait pas tort, et Sam ne put s’empêcher de sourire en imaginant la tête qu’il aurait faite en lisant le message.

    - Ouais, t’as tord…, mais j’aurais aimé savoir.

    - J’aurais aimé te le dire plus tôt, ça fait cinq jours que j’essaie de te voir pour ça, mais on a un peu des emplois du temps surchargé… j’espérais pouvoir te l’apprendre ce soir après ta pratique sur terrain avec Joa.

    Samiael termina de ranger se retournant

    - Eden… quand tu as besoin de me parler, dis-le-moi, donne-moi rendez-vous, peu importe ce qui se passe, je laisserai tout tomber pour venir.

    La jeune fille eut un mouvement de surprise.

    - Mais, il ne faut pas… ce… je ne vaux pas la peine que tu plaques tout ce que tu fais…

    - Bien sûr que si, dit-il en la coupant, rien n’est plus important que toi Eden, ça l’a toujours été, et ça le sera toujours, dit-il se rapprochant et prenant le visage de la jeune femme entre ses mains.

    - Sam… ? dit Eden sentant son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine.

    Samiael ne réfléchit plus, il se pencha vers la frêle jeune fille, pourtant si forte, et posa ses lèvres sur les siennes. Il ne voulait plus avoir peur, il ne voulait plus se poser des questions. Qu’Eden pense encore qu’elle était moins importante que n’importe quelle autre tâche… s’était juste impensable pour lui. En espérant maintenant que cela ne briserait pas leur amitié… Et qu’elle ne le repousserait pas. Un long frisson le parcourait, comme un courant électrique qui le transperçait.

                   Eden resta abasourdie. La douceur des lèvres de Samiael, le goût de sel… Son odeur envahit tous ses sens, l’électrisant. Elle avait l’impression d’être foudroyée, son cœur battait tellement fort dans sa poitrine. Elle ne rêvait pas n’est-ce pas ? Il était bien entrain de l’embrasser. Les mains du jeune homme la tenaient aux bras, dans une étreinte douce, mais qui montrait malgré tout qu’il ne voulait pas la perdre. Elle glissa ses mains sur son torse remontant jusque son cou, l’entourant avec force et lui rendant son baiser. Les deux adolescents avaient l’impression d’être enfin entiers. Après un instant qui avait duré plusieurs longues secondes, ils s’écartèrent. Samiael reprit la parole, sans laisser le temps à Eden de parler.

    - Eden, tu seras toujours la première, je te ferais toujours passer avant tout. Tu es la plus importante à mes yeux, et ce depuis toujours. Je suis amoureux de toi Eden Myrdyr, et chaque jour qui passe rendent ces sentiments plus forts…

    Il ne put continuer, la jeune femme posant un doigt sur ces lèvres.

    - Samiael Vanek… Je t’aime depuis toujours…

    L’émotion lui étreignait la gorge, elle n’arrivait plus à exprimer ce qu’elle ressentait.

    - Embrasse-moi… souffle-t-elle son regard se perdant dans le sien.

    Le jeune homme s’exécuta, le cœur empli de joie. Même si la nuit était loin d’être terminée... Même si le pire pouvait se passer lorsqu’il serait sur le terrain… Rien ne l’importait plus, Eden l’aimait. C’est tout ce qui l’importait.

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