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    Plusieurs semaines passèrent, puis les mois et les années. Beth avait forcé Ivy a allé chez un psychiatre, et elle avait vu petit à petit la jeune fille revenir un peu avec eux. Eden était devenu une belle adolescente, et le petit Saül avait maintenant cinq ans. Il était très proche de la jeune fille mais aussi de son oncle et de ses grands-parents. Mais la personne qui l'intéressait le plus c'était sa maman.

    Ivy soupira en poussant la porte d'entrée, elle revenait de son rendez-vous chez le psychiatre, elle n'avait pas vraiment eu le choix. Sa tante l'avait forcé à y est allé et la rousse, sans force avait fini par accepter. Cela ne voulait pas pour autant dire qu'elle y mettait du sien. Chacune des séances consistaient en un long silence, Ivy ne décrochait jamais un mot. Cela faisait depuis son accouchement qu'elle était tombée dans un mutisme. Ivy se contentait juste d'aller à son rendez-vous, parfois sourire quand elle croisait les gens de sa famille mais, le reste du temps, elle ne sortait toujours pas de la chambre de Ruben.

     

    Saül qui jouait dans le salon près de sa cousine se leva d'un bond en entendant la porte d'entrée s'ouvrir et courut du haut de ses petites jambes en criant :

    - Maman !

    Ivy jeta un regard en biais à son fils, avant de continuer son chemin, l'ignorant. Saül courut vers sa mère, un dessin à la main :

    - Regarde maman ! dit-il un grand sourire aux lèvres en lui tendant le dessin.

    Ivy continua à avancer, soupirant. Elle ne comprenait pas pourquoi ce gamin s'entêtait à vouloir son attention alors que jusque-là, elle n'en avait jamais donné et ce n'était pas près de changer. Saül s'arrêta en voyant que sa mère continuait de l'ignorer.

    - Laisse Saül, dit Eden en s'approchant du petit, ta mère est fatiguée, viens on va regarder un dessin à animé, va le choisir d'accord ?

    Le petit hocha tristement la tête avant de partir, Eden lança un regard lourd de reproche à sa cousine, elle ne comprenait pas qu'elle ne lui accorde pas un regard. Il ressemblait tellement à Ruben pourtant ! Elle soupira en secouant la tête rejoignant son neveu tout en pianotant sur son portable.

     

    Ivy rejoignit sa chambre, enfin celle de Ruben, et se laissa tomber sur le lit. Elle soupira en pensant à son fils. Elle voyait bien les regards de reproche qu'on lui adressait. Il est vrai que pour l'instant, l'enfant était adorable mais... Elle sentait, elle le savait, que ça n'allait pas durer et qu'en grandissant, il montrerait sa vraie nature. Ce sentiment qui ne la quittait pas depuis la naissance de Saül. Et puis... Il avait aussi le fait qu'il ressemblait tant à Ruben. A chaque fois qu'elle le voyait, elle pensait à lui, à sa mort et en souffrait.

     

    Eden regarda un Disney avec son neveu, tout en discutant sur son téléphone. Elle ne comprenait pas sa cousine. Depuis la mort de Ruben, elle n'était plus elle-même. En début de soirée, ses parents les appelèrent pour manger. Joachim ne descendit pas, il dormait encore. Il avait chassé jusque tard la nuit précédente après avoir entrainer Samiael et était épuisé. Il n'était rentré que quelques heures plus tôt et avait mangé sur le pouce. Lui aussi avait changé, cela pouvait se comprendre, plus que pour Ivy. Cependant Lucy les rejoignit. Ses cheveux avaient repoussé, et même si elle avait encore de nombreux cachets à prendre, elle en avait fini avec les chimiothérapies. Eden lui sourit tout en installant Saül à table. Ivy descendit à table, à contrecœur. Pendant un moment, elle ne venait pas mais sa tante la harcelait tous les jours pour qu'elle soit présente et elle avait fini par céder. Elle se disait prête à supporter une heure en leur compagnie plutôt qu'une journée à avoir des remarques. Ce n'est pas pour autant qu'elle décrochât un mot.

     

    Beth servit le repas qui se passa relativement dans le calme. Lucy discutait tranquillement avec Eden lorsque Joachim descendit.

    - Tu es déjà debout mon ange ? S’étonna Lucy.

    - J'arrivais plus à dormir, répondit le jeune homme agité. Depuis la mort de son jumeau il était rare qu'il réussisse à s'endormir sans la présence de Lucy à ses côtés ou de faire une nuit complète sans elle.

    - Tonton ! dit Saül heureux de voir son oncle, aujourd'hui j'ai fait pleins de dessin ! Et y'en a pour toi et pour maman !

    - C'est gentil bonhomme, dit Joachim en tirant une chaise en s'asseyant à côté de Lucy, face à Ivy. Il se prit une assiette et se servit. Les discussions reprirent, mais Joachim ne quittait pas Ivy du regard. Il fallait qu'il lui parle et très vite.

     

    Ivy commença à manger, tout en restant dans le silence comme d'habitude. Joachim attendit la fin du repas pour attraper Ivy par le bras et l'entrainer à sa suite dans le jardin. Beth était partie couchée le petit avec Ulysse, ils étaient ainsi certain que Saül n'entendrait pas ce que Joachim avait à dire à sa mère.

    - Ivy, il va falloir que tu te reprennes en main. Ce n'est plus possible.

    Ivy fut surprise quand Joachim l'entraina dans le jardin. Quand ce dernier lui fit des remontrances, elle se contenta de se dégager, lui jetant un regard noir. Elle n'ajouta pas un mot, toujours plongée dans son mutisme mais son expression du visage en disait long sur sa pensée

    - Ca fait cinq ans Ivy. Je sais que tu ne dis rien au psy. Tu sais que si mon frère n'était pas déjà mort te voir ainsi le tuerait ?

    Oui, c'était méchant, mais il en avait marre de son comportement, qu'elle rejette son fils soit une chose, qu'elle n'accepte pas qu'on veuille l'aider aussi, mais qu'elle joue le jeu, fasse perdre du temps à tout le monde simplement en faisant son égoïste, car c'était ainsi qu'il la voyait... L'insupportait de plus en plus.

    Ivy continua de rester silencieuse. Cet argument... Elle le trouvait tellement idiot. Si Ruben n'était pas mort, jamais elle ne serait dans cet état. A son décès, une part d'elle-même était partie aussi... Son âme. Maintenant, elle n'avait plus que la sensation d'être une coquille vide.

    - Tu n'es qu'une égoïste, lâcha-t-il finalement en voyant qu'elle ne réagissait pas.

    Ivy haussa les épaules. Elle se doutait bien que Joachim disait ça pour la faire réagir mais maintenant, plus rien ne fonctionnait. On pouvait lui dire n'importe quoi, elle s'en fichait, elle voulait juste être seule.

    - MAIS PUTAIN DIT QUELQUE CHOSE ! finit-il par lui hurler, tu ne te rends pas compte du mal que tu fais aux gens ? Ta mère, tu l'as appelée en cinq ans ? Pas une fois ! C'est NOUS qui lui avons appris la naissance de Saül ! NOUS qui nous occupons de TON fils parce que tu restes bloqué sur le fait qu'il soit hybride ! Tu ne sais rien de plus sur notre monde qu'il n'y a cinq ans, tu ne t'implique plus dans rien ! Ruben et toi n'étiez pas imprégniez ! Tout ça c'est dans ta tête alors tu vas te bouger le cul ou je te jure qu'un jour c'est moi qui vais te le botter.

    Ivy continuait à rester muette mais elle sentait la louve en elle qui commençait à se réveiller. Elle n'aimait pas être brusquée après tant d’années ensommeillées. Elle soupira avant de jeter un regard à Joachim et s'écarter de lui, voulant rejoindre la maison.

    - Tu restes là ! dit-il en l'attrapant par le bras, j'en ai pas finis.

    Ivy grogna, la Louve se manifestant à travers elle. Elle sentait ses poils sur sa nuque se hérisser. Joachim eut un sourire. Voilà. Enfin, une réaction. Certes pas de sa cousine, mais de sa louve, ce qui était bon signe. Il continua de la provoquer. Il voulait qu'elle sorte, qu'elle évacue. Ivy se dégagea avant de lui jeter un regard noir. Elle voulait juste retrouver sa tranquillité et peu importe ce qu'en pensait Joachim. Joachim la rattrapa,

    - Non tu ne rentreras pas tant que tu n'auras pas pris une décision. Ou tu te reprends ou c'est moi qui te force à te rependre. Je ne suis pas aussi tendre que ma mère.

    Ivy croisa les bras. Prendre une décision, c'était vraiment ce qu'il voulait ? L'esprit d'Ivy commença à s'échauffer, elle savait très bien qu'elle n'était pas capable de se reprendre, jamais elle ne le pourrait. Mais elle voyait bien que maintenant, elle n'aurait plus de tranquillité, Joachim ne semblait pas décider à lui la rendre. Elle soupira avant de laisser un ;

    - Bien...

    Premier mot qu'elle décrochait en cinq ans. Elle fit demi-tour avant de partir en direction de la rue,

    - Qu'est-ce que tu fais ? lança Joachim en la voyant prendre la direction de la haie qui entourait la maison.

    Ivy ne répondit pas, continuant son chemin. Sa décision avait été rapide certes, mais elle était sûre de son choix au fur et à mesure qu'elle avançait, elle voulait partir d'ici. Joachim la rattrapa.

    - IVY ! cria-t-il en la retournant face à lui, qu'est-ce que tu fais ? répéta-t-il

    - Je pars Joachim..., répondit-elle simplement en se dégageant. Tu voulais que je prenne une décision non ?

    - Tu pars ? Et pour aller où ? Je t'ai dit de prendre une décision pas de partir ! S’énerva-t-il.

    - Je ne sais pas... Je pars. Tout simplement.

    - Arrête de dire des conneries, lui lança-t-il.

    - Ce n'est pas des conneries. Je suis sûre de mon choix.

    Joachim se recula et croisa les bras. Il ne s'attendait pas à ça, mais il n'allait certainement pas la retenir. Son frère lui en voudrait sûrement, mais en se murant comme elle le faisait dans le silence... Elle salissait sa mémoire. Il avait toujours aimé la vie et il avait l'impression que ce qu'elle désirait était la mort. Ils n'avaient jamais créé ce lien qui existait entre lui et Lucy, il se savait, sinon son frère le lui aurait dit et il l'aurait senti. Ce qu'elle vivait n'était que psychologique.

    - Si tu es sûre de ton choix très bien, mais ait le courage de dire au revoir à tout le monde. C'est ta décision pas la mienne.

    - Pourquoi faire ? Je ne manquerais pas à grand monde...

    - Tu manqueras à tout le monde Ivy. Et c'est la moindre des choses que de prévenir.

    - Alors tu pourras les prévenir pour moi...

    - Non. Tu le fais. Je ne prends pas cette responsabilité. Viens, il fait froid ce soir.

    Ivy secoua la tête.

    - Non, j'ai pris ma décision, je pars ce soir.

    - Alors viens leur dire, il n'y a que Saül de coucher, dit-il en l'entraînant vers la baie vitrée.

    Ivy se dégagea.

    - Non, ils ne me comprendraient pas...

    - Putain, tu nous prends tous pour des imbéciles ? dit-il, si tu veux partir, ils te laisseront partir Ivy, on voit bien comment tu es ! Il secoua la tête, en soupirant, je rentre fais ce que tu veux, finit-il par dire en rendant les armes, agacé.

    Ivy resta un petit moment, seule devant le jardin, avant de repartir. Non, elle avait pris sa décision, elle partait, sans prévenir, elle savait que si elle retournait dans cette maison, elle retournerait dans le lit de Ruben et se laisser dépérir. Elle passa chez ses parents où sa mère vivait désormais seule depuis cinq ans, discrètement, sans se faire entendre ou voir avant de remplir un vieux sac de vêtement. Maintenant, elle partait, les poches vides, avec juste quelques vêtements. Elle ne savait pas où elle allait, ni comment mais une chose est sûre, elle voulait partir loin.

    « 179:181: »

  • Commentaires

    1
    Jeudi 19 Décembre 2019 à 18:40

    Bébé Saül ;-;

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