• 179:

    Des mois. Cela faisait des mois maintenant que Ruben était mort. Alors que la plupart de la famille se remettait peu à peu de son deuil, Ivy, elle n'était plus que l'ombre d'elle-même. Elle passait sa journée dans la chambre de Ruben, n'en sortant que pour les besoins primaires. Elle restait tout le temps, allongée dans le noir, les yeux fixant le vide, ne pensant plus à rien. Elle était absente de ce monde, elle était morte au même moment où Ruben avait rendu son dernier souffle. Parfois, on venait la voir, pour discuter avec elle, essayer de la faire sortir mais elle ne répondait pas, c'était plongé dans un mutisme. Même la louve qui était en elle restait ensommeillée, ne réagissant plus à la pleine lune. Parfois, il lui arrivait d'avoir des crises de larmes... Sans raison. Elle ne pensait à rien mais les larmes coulaient quand même sur ses joues. Parfois, il lui arrivait de penser, mais la seule chose qui se répétait dans son esprit c'est que la mort de Ruben était un gâchis quand elle voyait ce qu'elle était devenue. Elle avait déjà essayé de se remotiver, pour que Ruben n'était pas mort pour rien. Mais... Elle n'y arrivait pas. Elle ne voulait pas mettre les pieds dans un monde sachant que Ruben ne l'y attendait pas.

     

    Aujourd'hui était un jour comme les autres. Ivy était roulée en boule dans le lit de Ruben, la couette au-dessus d'elle comme une carapace au monde. Elle somnolait doucement, cela faisait des mois qu'elle n'avait plus eu de vraie nuit de sommeil, faisant des crises d'angoisse. Soudainement, des douleurs au ventre la réveillèrent. La jeune femme gémit, tenant son ventre. Merde, qu'est ce qui lui arrivait ? Alors qu'elle se posait cette question, une nouvelle douleur la lança, plus violente que la première. Ivy se leva doucement, fébrile, essayant de marcher pour sortir de la chambre et croiser quelqu'un. Quand elle ouvrit la porte, la lumière du couloir l'aveugla et elle grogna. Ça et les douleurs à répétition... Elle avait le sentiment qu'elle allait tomber dans les vapes. Elle se sentait assommée et elle vit une forme s'approcher d'elle.

    - Je crois que je suis malade... dit-elle d'une voix pâteuse. Elle était pâle, de la sueur commençait à perler sur son front et son ventre était de plus en plus douloureux à en être déchirant.

    - Putain, grogna-t-elle après une nouvelle vague de douleur.

     

    Joachim était tous seul à la maison avec sa sœur et sa cousine. Il entrainait beaucoup sa sœur mais aussi le petit Samiael pour surmonter la mort de son jumeau. Il avait eu l'impression de perdre une partie de lui, et c'était un peu ça puisqu'ils étaient jumeaux, jumeaux et chasseurs-né. Ils étaient frères mais aussi une équipe inséparable. Ils ne pouvaient pas vivre l'un sans l'autre... Il avait survécu uniquement parce qu'il avait déjà trouvé son âme-sœur. Pour cette seule et unique raison, il avait pu vivre mais il en avait été profondément changé, dans son caractère et dans sa façon de se comporter. Même s'il restait fondamentalement le même, il avait changé.

    Il remontait lorsqu'il entendit du bruit dans la chambre de Ruben... Enfin d'Ivy. Elle avait élu domicile à la maison depuis la mort de Ruben, et ses parents ne semblaient pas vraiment s'en soucier trop occuper à divorcer. Il vit sa cousine sortir et crut à un miracle avant de la voir se tenir le ventre.

    - Putain... Ivy !  Du sang se mit à couler le long des jambes de la jeune femme et Joachim la rattrapa avant qu'elle ne s'écroule sur le sol. Eden appelle le SAMU ! Tout de suite ! hurla-t-il à sa sœur avant de dire à sa cousine, ça va aller Ivy. Ça va aller.

    Jamais Ivy n'avait ressenti une douleur aussi intense. Même sa transformation en loup garou n'avait pas été aussi intense. Elle se cramponna à l'épaule de Joachim pour essayer de se relever.

    - Qu'est... Qu'est ce qui m'arrive ?

    - Je ne sais pas... Respire cousine.

    Eden monta au pas de course.

    - Ils arrivent dans quinze minutes ! Qu'est-ce qu'elle a ?

    - Je ne sais pas...

    - Joa.... Elle... Elle saigne ! s'écria alors Eden.

    Les douleurs continuèrent à s'intensifier.

    - Joa... Aide moi. Trouve... Trouve un moyen d'arrêter ça.

    Joachim était impuissant, il ne pouvait pas soulager la douleur comme son jumeau, il n'avait pas ses pouvoirs. Eden s'approcha alors et posa ses mains sur les tempes de sa cousine, une puissante vague d'apaisement envahi Ivy.

    - Eden... sois prudente.

    - Je maîtrise ça... murmura-t-elle.

    Joachim posa une main sur le ventre d'Ivy, essayant de trouver un moyen de l'apaiser.

    Ivy se sentit aussitôt soulagée, elle inspira un grand coup avant de poser une main sur son ventre. Elle sentait bien que ça venait de là, que quelque chose avait tout déclenché. Joachim sentit un nouveau spasme traverser le ventre d'Ivy.

    - Putain... Ivy... Tu accouches ! dit-il alors en sentant le ventre de sa cousine se contracter. Il reprit son téléphone et recomposa le numéro des urgences, il n'avait pas quinze minutes devant eux. Il fallait qu'ils arrivent avant. Il se força à expliquer d'une voix calme ce qu'il se passait et la femme le mis en relation avec l'ambulance qui arrivait.

    - Accoucher ? Mais non... C'est impossible ! dit Ivy en riant jaune, tu crois vraiment que j'ai l'air d'une femme enceinte ? dit-elle en montrant son ventre plat, je ne peux pas être enceinte...

    Joachim fit ce que le médecin lui dictait, avec l’aide d'Eden qui continuait de soulager la douleur d'Ivy il regarda la dilatation du col.

    - Je... Je vois la tête, je crois, dit-il à l’attention du médecin. Il lui donna des instructions et Joachim fit apparaître près de lui ce dont il avait besoin. Des serviettes de l'eau chaude, et des gants. Il mit le haut-parleur et écouta

    - Bien, lorsque vous sentez la prochaine contraction mademoiselle pousser d’accord ? Dit le médecin d'une voix qui se voulait rassurante.

    Ivy n'en revenait pas. Elle était en train d'accoucher ! Mais pourquoi ? Comment ? Il y une heure, son ventre était pourtant plat ! Elle secouait la tête, n'arrivant toujours pas à l'admettre. Joachim mit l’haut-parleur et Ivy pu entendre le médecin lui donner des conseils.

    - Non... Non, dit la jeune femme en secouant la tête, je ne peux... Je ne veux pas..., elle ne finit pas sa phrase, une nouvelle contraction lui arrachant un cri de douleur.

    - Pousse Ivy ! Cria Joachim.

    Ivy poussa avant de hurler de douleur. Elle essaya de respirer avec beaucoup de mal. Elle avait encore du mal à réaliser qu'elle était en train d'accoucher. Là tout ce qu'elle voulait c'était que cette douleur s'arrête. Après un temps qui lui parut infiniment long, les médecins arrivèrent enfin, Joachim soutenait la tête du bébé, tandis qu’Eden caressait la tête d’Ivy. Elle avait dû arrêter de soulager la douleur de cousine, elle n’avait plus assez d’énergie pour cela. Les médecins prirent rapidement le relais, et l’accouchement bien qu’il ne se passa pas dans des conditions idéales, fut mené à terme sans trop de problème. Finalement, le bébé poussa un cri se mettant à pleurer.

    - C’est un garçon, dit le médecin en regarda l’adolescente, sur le sol. Elle semblait ne pas avoir eu conscience de sa grossesse avant de se retrouver à accoucher dans son couloir. C’était rare, mais cela arrivait. Le déni de grossesse. Ce n’était pas quelques choses de très facile à vivre, comment voulez-vous l’appelez ? demanda-t-il à la jeune femme.

    Ivy se sentait comateuse. Elle entendit juste le médecin lui dire qu'elle venait d'accoucher d'un garçon. Elle n'arrivait toujours pas à s'en remettre. Comment avait-elle pu porter la vie pendant 9 mois sans s'en rendre compte ? Quand le médecin lui demanda comment elle voulait l’appeler, elle secoua la tête

    - Je... Je ne veux pas de cet enfant…

    - Bien sûr que si, dit Joachim, je... Pouvons-nous attendre le retour de mes parents ? Ils devraient arriver d’une minute à l’autre…

    - Oui bien-sûr. Y’a-t-il un endroit où nous pouvons faire les premiers soins à l’enfant et allonger la jeune maman ?

     

    Joachim hocha la tête puis montra la salle de bain pour laver le bébé et faire les premiers examens ainsi que la chambre de Ruben. Eden avait été ouvrir les volets et aérer la pièce le temps que sa cousine soit prise en charge. Elle regardait avec curiosité le petit bébé emmailloté dans un linge. Elle ne comprenait pas comment un aussi gros bébé pouvait être sortie d’un ventre aussi plat que celui d’Ivy.

    Ivy rejoint la chambre avec l’aide d’infirmiers avant de se laisser tomber sur le lit. Un enfant... Elle venait d'avoir un enfant... Elle avait beau y réfléchir, elle n'avait pas à en être heureuse. Pourquoi elle le serait ? Elle venait d'accoucher d'un enfant dont elle n'avait pas conscience, de l'amour de sa vie qui était mort... Sans mentionner que c'était le fruit d'un inceste... Que c'était à la fois l'enfant d'un sorcier et d'un loup garou... Ce n'était pas un enfant, c'était un monstre...

    Joachim discuta un moment avec le médecin, Eden à ses côtés. Leur parents arrivèrent enfin et demandèrent un point sur la situation. Tout comme le reste de la famille ils furent surpris. Ivy enceinte ? La question de qui leur venait aux lèvres mais personne ne chercha la réponse : Ruben. Le petit garçon était le fruit de cette relation. Beth prit son petit-fils dans ses bras,

    - Je vais m’en occuper. Ne vous en faites pas.

    - Il faudrait que la mère soit suivie psychologiquement. Elle pourrait vouloir faire du mal à son bébé.

    - Nous y veilleront, répondît Ulysse. Il regarda avec incrédulité ce bébé entre les bras de sa femme sans vraiment en prendre conscience.

     

     

    Une infirmière rester près d Ivy dans la chambre lui demanda,

    - Comment vous sentez vous ?

    Ivy ne répondit pas à l'infirmière, replongeant dans un mutisme. Elle avait encore du mal à assimiler le fait qu'elle venait d'accoucher et continuait de se répéter qu'elle ne voulait pas de cet enfant. Non non, elle n'en voulait pas, c'était un monstre...

    L'infirmière posa doucement une main sur l'épaule de la jeune femme.

    - Mademoiselle ?

    Ivy se dégagea d'un mouvement brusque avant de dire,

    - Laissez-moi s'il vous plait...

    - Non, je ne peux pas vous laisser seule...

    - Laissez-moi. répéta-t-elle plus froidement

    Joachim entra dans la pièce à ce moment-là.

    - Un problème ?

    Il sentait la louve de sa cousine s'agiter comme si elle voulait... chasser.

    - Je veux être seule, répéta encore Ivy tel un disque rayé.

    - Et elle ne...

    - Sortez, dit simplement Joachim en regardant l'infirmière dans les yeux. Elle se leva alors comme un automate et sorti de la chambre. Joachim referma derrière lui et resta silencieux fixant sa cousine, attendant de voir ce qu'elle allait faire.

    - Merci, soupira Ivy. Elle s'enfonça un peu plus dans les draps, cet enfant... Je n'en veux pas...

    - On va s'en occuper Ivy. Tu vas l'aimer j'en suis certain, il te faut juste du temps.

    - Non Joachim... Ce n'est pas que je n'aime pas cet enfant... C'est que je le déteste. C'est un monstre Joa...

     

    Joachim fronça les sourcils.

    - Un monstre ? C'est un bébé. Ton bébé et celui de Ruben.

    - C'est un hybride et le fruit d'un inceste qui plus est... Je le sens... Non, je le sais... C'est un monstre

    Joachim serra les poings tout en se forçant à garder son calme. Ne s'énervé n'aiderait certainement pas Ivy a accepter son enfant.

    - Oui c'est un hybride, et jusqu'à la preuve du contraire, être hybride n'est pas un crime, nous sommes nous-même mi-sorcier mi-humain, le gène sorcier étant plus fort voilà le résultat. Lui sera juste mi-loup mi-sorcier. Et l'inceste... Certes c'est... particulier mais cela ne fait pas de lui un monstre, c'est juste un bébé, un innocent Ivy.

    Ivy secoua la tête.

    - Tu ne comprends pas... Je ne dis pas ça à cause du choc ou je ne sais quoi. Je le sais…

    Joachim secoua la tête,

    - Toi tu ne comprends pas, tu es plongé dans notre monde depuis seulement quelques mois, tu as perdu ton âme-sœur, tu ne peux pas raisonner clairement Ivy.

    - Bien, penses en ce que tu veux mais, il ne faudra pas venir me voir quand il vous foutra dans la merde car moi, je ne veux pas m'en occuper.

    Joachim regarda Ivy.

    - Tu nous connais mal pour dire ça. On va s'en occuper de ton fils. Donne-lui au moins un prénom.

    - Je n'ai foutrement aucune idée. Vous pouvez en trouver un vous-même...

    Joachim soupira et s'assit dans un coin de la chambre.

    - Je me rends bien compte que tu penses que j'agis de manière idiote mais... Je sais ce que je fais Joa. Je le sens au plus profond de moi, cet enfant ne va apporter que des problèmes, c'est un monstre et je refuse de participer à ça.

    - Arrête de dire que c'est un monstre ! C'est un putain de bébé ! finit-il par crier. Et comment peut-on croire que tu sais ce que tu fais ? Tu te rends compte que cela fait des mois que tu ne manges plus ? Que tu ne sors pas de sa chambre ? Ta mère s'inquiète pour toi putain ! On arrivait même pas à t'approcher, tellement pas que tu as fait un déni de grossesse ! Tu t'en rends compte ?!

    - Joachim, dit une voix douce venant de la porte. Sors. Beth tenait le bébé contre elle, alertée par les cris elle était venue voir ce qu'il se passait, pour découvrir son aîné hurler sur la jeune femme. Ivy tourna le dos à Joachim avant de lui dire froidement ;

    - Je pense que la discussion est close...

    Joachim sorti en jetant un regard a sa mère.

     

    - Je peux m’asseoir près de toi Ivy ? Demanda-t-elle.

    Ivy haussa les épaules, dégageant une place pour sa tante. Beth s’assit près d'elle le poupon dans les bras.

    - Comment te sens-tu ?

    - Ravagée, dit Ivy tout simplement.

    Beth attendit un instant, regardant la jeune femme. Allait-elle continuer à parler ?

    - Parle-moi. Je ne te jugerais pas, tu le sais, lui dit-elle avec doux sourire.

    - Il n'y a rien à dire…

    - Si, tout ce qu'il te passe par la tête. Il doit y en avoir pas mal là-dessous qui tourne depuis un moment.

    - La seule chose que je veux c'est... Ruben, soupira-t-elle, et je sais que c'est impossible.

    - Il me manque à moi aussi tu sais..., dit Beth en lui faisant un sourire triste, mais... Il n'aimerait pas te savoir comme ça. Il te voit depuis l'autre monde tu sais, et je suis certaine qu'il doit être malheureux de te voir comme ça.

    - Je n'arrive pas à me sentir mieux... Je ne peux pas.

    - Pourquoi ? Explique-moi.

    - Il n'y a rien à expliquer... Une partie de moi est morte en même temps que Ruben ce jour-là.

    - Je ne peux pas imaginer à quel point c'est dur pour toi... Mais je peux seulement te dire que Ruben souffre autant que toi. Il est en vie dans cet autre-monde, il nous voit, nous entend, il ne peut seulement pas interagir avec nous. Et... Je sais que ce bébé est de lui. Il a ses yeux. Je sais aussi que même si les conditions de sa naissance son particulière, tout comme son origine... Il serait heureux de cet enfant. Ne le rejette pas Ivy. C'est tout ce qu'il te reste de lui, il va vivre un peu à travers cet enfant, lui dit doucement Beth, espérant par-là que la jeune femme regarde au moins, le bébé, le nomme.

    - Je ne peux pas... Cet enfant... Il ne va apporter que des problèmes, je le sens, répéta-t-elle

    - Comment ça ? demanda Beth, en berçant le petit qui commençait à s'agiter.

    - Je ne sais pas comment l'expliquer... Mais je le sens au plus profonds de moi. Cet enfant... Il est... Mauvais.

    - Mauvais ? Qu'entends-tu par-là ?

    - Je ne sais pas ! hurla Ivy, Juste... ... Je le sais.

    Le bébé se mit alors à pleurer, Beth le berça doucement en fredonnant jusqu'à ce qu'il se calme.

    - Tu n'as vraiment pas d'idée de prénom ? Que tu apprécies ou non peu importe, dit Beth en se levant et marchant pour apaiser le poupon dans ses bras.

     

    Ivy regarda l'enfant qui venait de pleurer, elle trouvait ce bruit insupportable et voulait juste que ça s'arrête. Quand Beth lui demanda si elle avait une idée de prénom, elle haussa les épaules.

    - Je ne sais pas... J'aime bien le prénom Saül alors... Pourquoi pas, dit-elle avant de soupirer.

    Beth hocha la tête,

    - Et bien ce petit a un nom maintenant. Je vais te laisser... Tu manges avec nous ce soir ? Voir du monde te fera du bien tu sais.

    - Non merci... Je veux rester seule.

    Beth redescendit en soupirant discrètement. A un moment où à un autre, elle serait bien obligée de sortir. Si elle ne le faisait pas d'elle-même... Elle emploierait les grands moyens.

    Ivy soupira avant de se remettre en boule sous la couette. Là au moins elle était bien.

    « 178:180: »

  • Commentaires

    2
    Mercredi 11 Décembre 2019 à 12:27

    Bébé Saül ;-;

    1
    Mercredi 11 Décembre 2019 à 12:26

    "- Je ne sais pas ! hurla Ivy, Juste... ... Je le sais" La logique by Ivy

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